L'?té des quatre rois

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L'?té des quatre rois Details

GRAND PRIX DU ROMAN DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 2018 Camille Pascal nous plonge au cœur d'un été inédit dans l'histoire de France : celui où quatre rois se sont succédé sur le trône." Il y avait ce matin-là beaucoup de monde à Saint-Cloud, la Cour bien sûr, mais aussi les ministres, il jurait même que monsieur de Talleyrand avait fait sonner dès la première heure son pied bot cerclé de fer sur les marbres de l'escalier d'honneur. La galerie d'Apollon n'avait jamais été aussi peuplée, et les jardins s'animaient de femmes heureuses d'y promener leurs traînes. Le grand lever serait long, et l'on entreprenait déjà le premier gentilhomme de la chambre pour obtenir les entrées. À l'évocation de son grand chambellan, le roi sourit : si même le diable boiteux courait à Saint-Cloud lui présenter ses hommages de gentilhomme et prendre sa place de courtisan, alors la France était prête." Ainsi commence L'Été des quatre rois. Juillet-août 1830, la France a connu deux mois uniques dans son histoire avec la succession sur le trône de Charles X, Louis XIX, Henri V et Louis-Philippe. Dans cette fresque foisonnante, à l'écriture ciselée, tandis que le peuple de Paris s'enflamme, Hugo, Stendhal, Dumas, Lafayette, Thiers, Chateaubriand, la duchesse de Berry, Madame Royale assistent à l'effondrement d'un monde. Des "Trois Glorieuses" à l'avènement de la monarchie de Juillet, Camille Pascal nous plonge dans le roman vrai de la révolution de 1830.L'Été des quatre rois a reçu le grand prix du roman de l'Académie française en octobre 2018.

Reviews

Il faut un bien grand talent pour écrire ainsi l??Histoire. Camille Pascal déborde de passion et de talent. Il offre ainsi à l??Histoire un livre d??une science remarquable et d??une facture littéraire irréprochable et éblouissante. Oui, j??ai bien aimé ce livre. Son style, son souffle, son rythme tellement accordé au récit, font que le temps de traverser ces 650 pages est passé comme un songe. Mieux, ils m??ont entraîné au galop d??un temps où la cavalerie définissait le mouvement des hommes. Quelle aventure ! Pourtant les événements que Pascal fait revivre pouvaient rebuter. L??histoire des tous derniers jours du règne de Charles X, dernier roi de France de la lignée des Bourbons, ne semblait pas, à priori, susciter ma curiosité. Cela commence le 25 juillet 1830, au château de Saint-Cloud, et s??achève le 16 août,à Cherbourg; en tout 23 jours pendant lesquels le peuple se révolte, le pouvoir vacille entre royauté et république. Paris est à feu et à sang. Pour cette explosion, il fallait l??étincelle d??un pouvoir sans intelligence ni vision politique, engoncé dans une tradition aveugle. Dans un environnement social et politique déjà tendu, Charles X et son médiocre gouvernement présidé par le prince de Polignac, décident de reprendre la main et décrètent une série d??ordonnances pour museler la Presse, le Parlement et même l??électorat. Bref, de mettre fin à « une démocratie turbulente qui a pénétré jusque dans nos bois, (et qui) tend à se substituer au pouvoir légitime « . ? partir de là, tout se déclenche et se précipite dans le désordre révolutionnaire et l??inquiétude des nantis. Les meilleurs esprits (Thiers, La Fayette,Talleyrand, Lafitte, etc.) sont effondrés par la stupidité du Roi et vont, au cours de la dizaine de jours qui suivent, concentrer leurs forces (financières et politiques) pour parer au désastre que serait l??instauration d??une République révolutionnaire. Pendant ce temps le petit peuple parisien se révolte. On dresse dans toute la ville des barricades. On se bat. On meurt. Le Roi envoie le maréchal de Marmont, duc de Raguse, avec la troupe pour rétablir l??ordre à Paris. Toutefois, les forces armées disponibles sont limitées. En quelques jours elles sont submergées. Il s??en faut de peu !Talleyrand, Thiers et quelques autres personnes dont l??influence sur la haute société est considérable, telle la comtesse de Boigne, vont habilement résoudre l??impossible équation du pouvoir et du maintien de la monarchie en faisant appel à Louis-Philippe d??Orléans. Le film de cette dramatique et souvent tragique aventure est d??autant plus tendu et palpitant que le livre oscille à chaque étape entre la situation à Paris, et celle à Saint-Cloud. Camille Pascal déploie un véritable génie pour planter le décor, les toilettes et les atours, les rituels et les manies de cette Cour où le Roi, sa famille, ses courtisans vont réagir souvent sans comprendre ce qui se trame, presque toujours égoïstement mais toujours dans le cadre d??un idéal et d??une mesquinerie dont Saint-Simon a recueilli pour notre souvenir les codes et les principes. Il peut nous paraître étrange aujourd??hui, que la notion de droit divin, de légitimité (ici Bourbons contre Orléans, ces derniers à jamais souillés par le vote de Philippe-Egalité), d??étiquette de Cour, d??autorité fondée non sur le droit mais sur la naissance soient à ce point ancrés, même après Robespierre et l??Empereur, dans un système inaltérable. On ne questionne jamais cette règle dont Dieu lui même se porte garant. Quant à Charles X, sorte de François Hollande toutefois pieux et bien élevé, si on le condamne pour sa bêtise politique et ses obstinations, on pourra avoir pitié de cet homme de bonne volonté, d??une foi sincère, mais qui aurait mieux fait de naître notaire ou pharmacien. La deuxième partie du livre raconte la longue (11 jours) et épuisante retraite du Roi et de sa suite, plus ou moins protégée par Louis-Philippe (lui aussi respectant le lien familial Bourbons-Orléans). Ce qui permet au récit de cette cruelle déroute à travers la Normandie, de comprendre à quel point la France de 1830 est divisée comme elle peut l??être encore aujourd??hui, mais selon des critères religieux et économiques bien différents. Il faut aussi noter que cet ouvrage fourmille d??une bonne centaine de personnages dont l??auteur sait avec un génie remarquable nous décrire leur traits physiques et psychologiques, leurs comportements au point que nous les reconnaîtrions s??ils se présentaient à nous. Mais on ne résume pas 650 pages, denses et d??une richesse descriptive admirable. Il faut lire: on embarque, on frémit, on réfléchit à et sur cette Histoire dont nous héritons encore. On comprend à quel point l??Histoire avance selon des horloges et des durées très différentes. En 1830, la Société n?? a pas encore intégré la Révolution de 1789 et le passé monarchique dont certains voulaient se séparer, sans oublier l??inoubliable épopée napoléonienne. Cette contradiction reste alors une blessure profonde, vive et douloureuse. J??irai jusqu??à dire que même encore, après presque deux siècle, il en reste quelque chose, un frémissement, qui oppose la droite et la gauche, qui pose des questions sur les notions de patriotisme, de nationalisme, de peuple, de croyances religieuses. Le livre de Camille Pascal remet tout cela en cause, reveille des rêves et des cauchemars qui nous ont poursuivis, nous et nos parents. Peut-être que le monde de demain qui semble avoir rompu avec l??ancien aura oublié, comme à la fin de ? la Gloire de Dieu où d??Ormesson dit adieu à un passé encore si present dans L??Ete des quatre Rois.